Exposé de Sébastien
Erhard, animateur pédagogique et culturel de l’association Espéranto
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Objectif de l'exposé : montrer les différentes méthodes, illustrées des réalisations concrètes (plusieurs dizaines) de langues internationales ; aborder les concepts de langue a priori, et de langue a posteriori.
Plan :
· Solrésol
· Ro
· Volapük
·
Ido
Le concept de « langue internationale » n’est absolument pas un concept nouveau : depuis plusieurs siècles, et même dès l’Antiquité, de nombreux philosophes, linguistes ou écrivains se sont déjà penchés sur la question. De René Descartes, qui parlait du besoin d’une langue universelle accessible à tous, jusqu’à Jules Verne ou Ferdinand de Saussure qui se sont intéressés à l’Espéranto, l’idée d’inventer une langue pour pouvoir communiquer au-delà des frontières a toujours été à l’esprit de l’humanité (pour plus d’informations à ce sujet, se reporter à la conférence sur Le concept de langue internationale de l’antiquité à nos jours). Et l’Espéranto est loin d’avoir été la seule langue internationale publiée, d’autres l’ont précédé et de nombreuses autres ont continué à apparaître jusqu’à nos jours. Même si de nos jours l’Espéranto est sans conteste la plus répandue, il est néanmoins interessant de voir quel a été le processus d’évolution de ces langues internationales publiées.
Avant de parler des langues internationales à proprement dit, nous décrirons brièvement la science qui les étudie, c’est-à-dire l’interlinguistique. Ensuite, nous essaierons de voir comment ces langues internationales sont généralement classées, pour finir par la présentation de quelques exemples de langues internationales publiées les plus marquantes, en abordant également leurs impacts respectifs et la perspective d’avenir pour une langue internationale publiée dans notre monde actuel.
Le terme d’interlinguistique vient, comme son nom l’indique,
d’« interlangue », c’est-à-dire « langue internationale ».
L’interlinguistique est donc une science qui s’occupe d’étudier les langues
internationales, mais quel type de langues internationales ? En
effet, la compréhension générale du terme d’interlinguistique est
aisée ; mais par contre, lorsqu’il s’agit d’en définir l’objet précis,
c’est là que les avis divergent. Les définitions donc de cette science étant fort nombreuses, nous
tenterons d’en résumer seulement les étapes les plus marquantes.
On attribue
généralement l’invention du terme d’interlinguistique à Jules Meysmans,
représentant de l’école linguistique naturaliste. Celui-ci, dans un article
intitulé « Une science nouvelle » paru dans la revue « Lingua
Internationale » de 1911, propose de nommer interlinguistique la
science qui explore les lois naturelles de formation des langues auxiliaires,
en se demandant si les langues artificielles peuvent elles aussi faire l’objet
d’une exploration scientifique, alors que la plupart d’entre elles ont à peine
dépassé le stade de projet et ne peuvent donc pas être étudiées comme les
autres langues vivantes. Meysmans recommande d’appliquer les méthodes d’étude
des langues vivantes aux langues artificielles : l’interlinguistique
traite donc selon lui de toutes les langues internationales, essentiellement
les naturelles mais aussi les artificielles.
Dans les
années 30, le linguiste danois Otto Jespersen s’est beaucoup intéressé à l’interlinguistique
comme discipline indépendante des sciences du langage. Il la définit comme
l’étude de la structure et du concept de base de toutes les langues, en vue de
définir des normes pour les langues auxiliaires internationales artificielles.
Sur le concept
d’artificialité, le germaniste Hermann Paul comparait déjà en 1880 les
langues naturelles et artificielles au dialecte et à la langue officielle, en
précisant qu’on maîtrise le premier dès son plus jeune âge, tandis que la
deuxième doit être apprise.
En 1931, le
hongrois Dénes Szilágyi reprend le concept de Jespersen en définissant
l’interlinguistique comme un système de théories et de techniques
servant à la production de langues internationales. Le principal intérêt de
l’apport de Szilágyi est qu’il fait la distinction entre une interlinguistique
générale, pour l’étude historique et comparée des langues internationales,
et une interlinguistique normative.
En fait, pour résumer, le principal débat des spécialistes de la question portera sur deux points :
· quel doit être l’objet d’étude de l’interlinguistique : doit-elle s’occuper seulement des langues internationales artificielles, seulement des grandes langues naturelles, ou bien des deux ?
· quel est le rôle de l’interlinguistique : doit-elle seulement être descriptive (historique), ou bien a-t-elle aussi une fonction prescriptive (dans l’optique de la création d’une langue internationale « idéale ») ?
Signalons
quand même l’opinion assez originale de V. Tauli qui, en 1968, insiste sur
l’appartenance de l’interlinguistique à la linguistique appliqué, dans
le sens où elle se doit d’étudier les buts, principes, méthodes et tactiques de
planification linguistique. Quant à la planification linguistique, elle
a pour fonction, toujours selon Tauli, d’une part de réguler et faire évoluer
les langues déjà existantes, et d’autre part de créer de nouvelles langues
régionales, nationales et internationales.
Le Plena
Ilustrita Vortaro de Esperanto (l’équivalent de notre « Larousse » ou
« Robert » pour l’espéranto) de 1970 définit l’interlinguistique
comme la science qui explore les conditions sociologiques, culturelles et
linguistiques d’une langue commune pour les relations internationales.
L’avis de
l’allemand Detlev Blanke en 1985 sera particulièrement important. Outre le fait
qu’il définit l’interlinguistique comme une branche interdisciplinaire
des sciences du langage étudiant la communication linguistique internationale
avec tous ses aspects politiques, économiques, linguistiques et autres, Blanke
a le mérite de rappeler que le principal champ d’étude de l’interlinguistique
doit rester le problème des langues planifiées. Il justifie cette
position par plusieurs raisons, parmi lesquelles entre autres :
·
la
naissance de l’interlinguistique comme discipline scientifique est
intimement liée à l’histoire et l’évolution des langues planifiées ;
·
les
langues planifiées sont avant tout un produit des préoccupations
interlinguistiques, c’est-à-dire un moyen de faciliter la communication
internationale ;
·
la
majorité (60 %) des publications d’interlinguistique sont écrites dans des
langues planifiées, et il n’est donc pas possible de faire des études sérieuses
d’interlinguistique sans prendre en compte les productions en langues
planifiées, ni maîtriser une ou plusieurs de ces langues (à la suite de cela,
Blanke définit également l’espérantologie comme une partie indépendante
de l’interlinguistique).
En 1987, S. N. Kuznecov divise l’interlinguistique (par analogie
à la linguistique) en une interlinguistique générale et spécialisée :
selon lui, l’interlinguistique générale s’occupe de la situation
linguistique mondiale (le multilinguisme et son évolution, les types de
communication internationale, les influences linguistiques réciproques et la
naissance d’un internationalisme, les efforts pour combler au problème de
communication internationale au moyen de langues naturelles et/ou
artificielles...), ainsi que de toutes les théories concernant les langues internationales
naturelles et artificielles. L’interlinguistique spécialisée, quant à
elle, regroupe toutes les théories sur les langues planifiées prises
individuellement, dont essentiellement l’espérantologie.
Plus
récemment, en 1992, Werner Bormann estimait que la planification
linguistique était un domaine d’intérêt trop exigu de l’interlinguistique,
et qu’il faudrait donc rajouter à cette science de nombreux problèmes
philologiques.
Enfin, nous pourrons signaler que l’interlinguistique a été (et est toujours) fréquemment rapprochée à de nombreuses autres sciences (sociolinguistique, psycholinguistique, politique linguistique, sociologie, philosophie du langage, pédagogie, etc.). Nous ferons également remarquer (de même que le notait déjà Monnerot-Dumaine en 1960) que de nombreux interlinguistes n’étaient pas des linguistes au sens strict, mais des polyglottes ou des « idéalistes » de professions très diverses ; et l’on pourra aussi observer qu’une grande partie des interlinguistes ont souvent été eux-mêmes auteurs d’un ou plusieurs projets de langue internationale (l’Idiom neutral modifiked et le Latino Internationale pour J. Meysmans, le Novial*, le Novial II et l’Eklekta pour O. Jespersen, le Romanal* pour A. C. Michaux...).
Quant on parle de langues internationales, il faut tout d’abord distinguer, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, les langues internationales naturelles, c’est-à-dire les « grandes » langues de ce monde à usage ou à ambition internationale (pour plus d’informations sur le classement des langues dites « naturelles », se reporter à la conférence Des langues par milliers), et les langues internationales artificielles, que nous appelons ici langues publiées. Si l’on parle de langues internationales publiées (là encore, les termes varient selon les individus et les opinions : certains parleront de langues planifiées, d’autres d’artificielles, d’auxiliaires, d’inventées, d’universelles, d’imaginaires, etc.), c’est parce que la plupart de ces langues internationales ne sont restées qu’au stade de projets publiés, mais le plus souvent parlés seulement par leur auteur. On évalue à plusieurs centaines le nombre de ces langues publiées.
De même que les définitions de l’interlinguistique sont nombreuses, il existe plusieurs façons (en fonction des critères d’analyse notamment) de classer ces langues internationales publiées. Nous présenterons ici le classement le plus couramment utilisé (cf. document 1).
En premier lieu, nous avons 2 sortes de langues artificielles : les pasigraphies et les pasilalies.
Le terme pasigraphie vient du grec pasi [pasi] « à tous » et de grafw` [graphô] « j’écris » : les pasigraphies sont donc des conventions purement visuelles, destinées à être comprises du regard par quiconque, quel que soit sa langue et sans aucune traduction. Joseph de Maimieux, l’inventeur du mot en 1797, définit la pasigraphie comme une manière d’« écrire même à ceux dont on ignore la langue, au moyen d’une écriture qui soit l’image de la pensée que chacun rend par différentes syllabes » (néanmoins, la chose existait déjà plus d’un siècle avant le mot : voir les travaux de Johannes J. Becher en 1661 ou ceux de John Wilkins en 1668). Les pasigraphies peuvent se présenter de plusieurs façons : sous la forme de lettres, de nombres, de signes, d’idéogrammes ou de pictogrammes, de hiéroglyphe ou même de notes musical comme le célèbre « Solrésol » de Jean-François Sudre en 1866. Pour Leau et Couturat, qui incluent les « signaux optiques » aux pasigraphies, les deux pasigraphies ayant abouti à des applications pratiques et ayant obtenu une consécration officielle sont le « Code international des signaux maritimes » (de Sallandrouze de Lamormaix en 1871) et la « Classification bibliographique décimale » (de Melvil Dewey en 1873). D’autres classifications décimales et codes télégraphiques (comme l’alphabet Morse par exemple) sont parfois rattachés aux pasigraphies.
Les pasigraphies se divisent en pasigraphies philosophiques (ou a priori, cf. plus loin) et en pasigraphies empiriques (ou pratiques, ou a posteriori). Les langues philosophiques sont le fruit des réflexions philosophiques du XVIIème siècle et elles ont joué un rôle capital dans l’histoire du concept de langue international (pour plus d’informations à ce sujet, se reporter à la conférence sur Le concept de langue internationale de l’antiquité à nos jours). En effet, comme l’avaient souhaité de nombreux penseurs de l’époque (Descartes, Leibniz, Bacon...), les divers projets de langues philosophiques qui ont commencé à fleurir à partir de 1650 cherchent à classer les idées en constituant des systèmes cohérents et logiques ordonnés autour de concepts fondamentaux. Citons par exemple le projet de Jean Delormel en 1795 (les langues philosophiques seront particulièrement en vogue du XVIIème jusqu’au début du XIXème siècle) où chaque lettre désigne une classe d’idée : par exemple, la lettre « a » indiquant l’« art de parler », on aura AVA : grammaire / AVE : lettre / AVAU : mot / AVEU : nombre / ALVE : voyelle / ADVE : consonne / ALVAU : nom / ALAVAU : nom commun / ALEVAU : nom propre, etc. Les pasigraphies empiriques, elles, répondent le plus souvent à un besoin purement pratique et elles se basent sur des notions exprimées par de mots ou groupes de mots et ordonnés selon des structures grammaticales. Par exemple, dans la langue de Cave Beck de 1657, chaque combinaison de chiffres correspond à un « terme primitif » de chaque langue, auxquels sont associés des lettres spécifiant les caractéristiques grammaticales : ainsi « p2477 » désignera le « père », car « 2477 » correspond à « père » et « p » indique le substantif ; de même, « f » indiquant le féminin, « pf2477 » désignera la « mère ».
Les pasilalies (de lalw [lalô] « je parle »), quant à elles, sont des conventions audio-visuelles destinées autant à être parlées qu’écrites (elles utilisent le plus souvent des lettres, et parfois des signes affectés d’un son de sorte à former des ensembles prononçables). Rien ne s’oppose à ce qu’une pasigraphie soit transformée en une langue parlée, pour ainsi devenir une pasilalie (ce fut cas pour plusieurs pasigraphies, dont celle de Beck). On définit généralement les pasilalies en fonction de leurs rapports avec les langues naturelles.
Nous avons d’une part les langues a priori (également appelées schématiques ou métalangues), construites à partir de schémas préalables et n’ayant pas de rapport conscient avec les langues naturelles (même si l’on y retrouve les structures grammaticales simplifiées des langues existantes, généralement indo-européennes). Ce sont donc des langues à racines artificielles avec dérivation artificielle et schématique et fixité des catégories de mots.
D’autre part, les langues a posteriori (dites naturalistes ou pseudolangues) se réfèrent consciemment aux langues naturelles, bien que dans une mesure variable. En fonction des divers degrés de ressemblance aux langues existantes, ces langues a posteriori sont elles-mêmes subdivisées en plusieurs catégories.
Nous avons des langues naturelles simplifiées, dites langues minimales. Il peut s’agir de langues mortes ou de langues vivantes. Parmi les défenseurs d’une langue morte simplifiée, même si certains proposent des projets de grec simplifié (comme Raymond et Lucien Poincaré avec leur « Ixessoire » en 1879, ou encore La Grasserie avec son « Apolema » de 1907), nombreux sont les partisans d’une simplification et modernisation du latin : le plus connu de ces projets fut le « Latino sine flexione »* de Giuseppe Peano en 1903, qui donna naissance à une nombreuse descendance d’autres projets s’en inspirant. Néanmoins, les projets de langues vivantes simplifiées ne furent pas non plus en reste : il y eut, surtout au début, plusieurs tentatives de langues communes interslave ou intergermaniques, voire panaméricaine (c’est-à-dire fondées sur l’anglais et l’allemand) ; mais on trouve aussi de nombreux projets de langues internationales à partir de langues spécifiques simplifiées (espagnol, italien, français...). Mais le plus connu de tous ces projets fut sans conteste celui que Charles Kay Ogden publia en 1930 sous le nom de « Basic English »* (lui-même basé sur le « Panoptic English » du même auteur en 1929).Si tous ces projets de langues minimales ont échoué (à l’exception du Basic English qui connu un relatif succès, notamment grâce au soutien du gouvernement anglais de l’époque), c’est précisément parce qu’ils mutilaient la langue en la simplifiant au point que ni les étrangers ni les indigènes n’y reconnaissaient plus son génie particulier (par exemple, le Basic English alourdissait et paralysait l’expression et la compréhension par des périphrases que le locuteur devait inventer constamment).
Il y a ensuite les langues mixtes, qui emploient des racines artificielles et des racines naturelles. Certaines ont une dérivation schématique : parmi celles-ci, nous avons des langues à racines naturelles déformées (les langues de la famille du Volapük*, le Parla...) et des langues à racines artificielles et racines naturelles (comme le Spelin*, le Pario ou le Speedwords...). Les autres langues ont une dérivation mixte (c’est-à-dire en partie schématique et en partie naturelle) avec des racines naturelles rarement ou jamais déformées, avec monomorphisme des racines et fixité des catégories de mots (les langues de l’Esperanto*, l’Universalglot, le Kosmo...).
Enfin, nous avons les langues dites naturalistes (terme qui, à la base désignait les langues a posteriori, a fini par désigner une sous-catégorie de ces langues), au lexique souvent issu des langues naturelles romanes. Une partie de ces langues naturalistes a conservé des vestiges de schématismes (comme la famille de l’Unial ou du Novial*). Mais la plupart ont une dérivation naturelle, sans familles de mots réguliers et avec un dimorphisme fréquent des racines : les deux exemples les plus marquants sont l’Occidental* de 1922 et l’Interlingua* de 1951.
Si tous ces types de langues internationales publiées n’ont cessé de se multiplier au cours des siècles précédents (comme on peut le voir sur le tableau du document 2 qui en donne un aperçu non exhaustif), on peut néanmoins distinguer certaines tendances générales (qui sont représentées graphiquement dans le document 3), et celles-ci suivent approximativement l’ordre dans lequel ce classement des langues internationales publiées vous a été présenté. En effet, dans la lignée des opinions de nombreux philosophes comme Descartes, les premiers projets de langues internationales furent des langues a priori, le plus souvent des pasigraphies, qui ont pendant longtemps essayé de réduire le langage à une classification systématique des idées. Il faudra attendre 1832 pour voir le premier projet de langue a posteriori de l’allemand Franz Anton Gerber, dont la langue sera considérée comme une anticipation du Volapük et de l’Espéranto. Mais ces deux dernières (qui sont considérées comme les deux langues majeures de l’histoire des langues internationales publiées) ont néanmoins conservé quelques traces du schématisme des langues a priori, ce qui leur vaut la qualification de langues mixtes. A côté de cela, se développe en parallèle de nombreux projets de langues simplifiées. Mais ces projets s’arrêteront vers la moitié du XXème siècle, pour être relayé par la tendance naturaliste (qui reste un peu dans la même lignée d’esprit à visée esthétique et latinisante). Et cette évolution naturaliste se ressent même au sein des descendants de langues mixtes comme l’Espéranto ou le Volapük, qui sont réformés d’une telle façon à les rapprocher le plus possible des langues naturelles (et romanes le plus souvent). Néanmoins, ces choix ne sont pas sans conséquences, car ils privilégient d’une part souvent les personnes de langue romane, mais surtout, il conduit d’autre part à imiter les irrégularités et les défauts des langues naturelles, retombant dans la complication et la confusion que cherchent à éliminer les langues internationales publiées.
Schéma avec exemples :
Langue naturelle :
o français père mère
Langues construites :
· A priori :
o projet Letellier (1852) ege egé (rac. art., dériv. schém.)
o projet Menet (1886) fat éfat (rac. nat. déf., dériv. schém.)
· A posteriori :
o Volapük (1879) fat mot (rac. nat. déf., dériv. nat.)
o Esperanto (1887) patro patrino (rac. nat., dériv. schém.)
o Ido (1907) patro matro (rac. nat., dériv. mixte)
o Interlingua (1951) patre matre (rac. nat., dériv. nat.)
Mais à présent, penchons-nous brièvement sur quelques exemples les plus aboutis ou les plus marquants de ces langues internationales publiées.
Le Solrésol est une pasigraphie un peu particulière car elle est fondée sur les sept notes de la gamme musicale. Cette « langue musicale universelle » a été élaboré par le professeur français Jean-François Sudre de 1817 à 1866.
Les sept notes musicales, signes invariables et universels, peuvent être utilisées de sept manière différentes, donnant naissance à sept formes différentes du Solrésol que l’on peut :
1) énoncer ou écrire les noms internationaux de ces notes ou seulement leurs initiales (s = si ; so = sol) ;
2) chanter ou jouer sur n’importe quel instrument ;
3) écrire sur une portée ;
4) représenter par sept signes sténographiques spéciaux, écrits ou dessinés en l’air avec le doigt ;
5) représenter par les sept premiers chiffres arabes ou par un nombre équivalent de coups sonores, de pressions tactiles, etc. ;
6) représenter par les sept couleurs du spectre au moyen de feux, lanternes, etc. ;
7) dessiner en touchant avec l’index de la main droite les quatre doigts de la main gauche ou leurs intervalles, qui remplacent, dans ce cas, la portée musicale.
Tous les mots sont de 1 à 5 syllabes : la combinaison des sept notes fournit donc 7 mots d’une syllabe, 49 de deux, 336 de trois, 2 268 de quatre et 9 072 de cinq (par exemple, la phrase Dorela faremi sirelasi, doremmi, doreffa, doressol signifie « L’année est composée de jours, de semaines, de mois »). Le vocabulaire ainsi obtenu est donc totalement « neutre », puisqu’il est sans rapport avec quelque langue existante que ce soit, même si l’on essaie d’introduire quelques principes de classification, comme Domisol qui signifie « Dieu » et Solmido « Satan » (d’une manière générale, on forme le contraire en inversant l’ordre des syllabe du mot correspondant). Mais le Solrésol n’en reste pas moins totalement arbitraire, ce qui rend effroyablement difficile son apprentissage et son maniement.
Les travaux de J-F. Sudre reçurent des appréciations positives de personnalités comme Napoléon III, Victor Hugo ou Lamartine. Il faut également signaler que Sudre fut l’inventeur d’une sorte de code pour la transmission à distance des signaux phoniques et baptisé « Téléphonie ». Mais sur le plan pratique, il semble que le Solrésol n’eut pas un grand succès auprès du public : en effet, malgré l’existence au XIXème siècle d’une « Société pour la propagation de la Langue universelle Solrésol » et la parution de quelques livres sur le Solrésol jusqu’en 1902, le Solrésol est davantage connu à cause de son originalité plutôt que de son réel usage.
Le Ro est l’une des rares langues a priori à avoir très légèrement dépassé le stade de projet (c’est-à-dire que l’on vit l’existence de quelques revues en Ro entre les années 1908 à 1928 approximativement). Cette langue philosophique a été élaborée par l’ecclésiaste américain Edward Powell Foster en 1906.
Le vocabulaire du Ro* est formé d’un système de
classification décimale des lettres, en ce sens que les 5 voyelles et les 17
consonnes sont utilisées comme des chiffres numériques. Les formes
grammaticales sont indiquées par une voyelle initiale (a– pour les
verbes, e– pour les adjectifs, i– pour les adverbes, etc.).
Les objets en série sont désignés par des mots en série qui se différencient
par une lettre (ex : bodac = ciel ; bodaf =
nuageux ; bodal = planète, etc.). Les nombres cardinaux de 0 à 9
sont zab, zac, zad, zaf, zag, zal, zam, zaq, zar, zax ; les
dizaines 10, 20, 30 sont respectivement zabax, zacax, zadax et les
centaines 100, 200, 300 zabaw, zacaw, zadaw. A signaler, sur la
ressemblance phonétique des mots qui indiquent des objets semblables en Ro,
l’anecdote que rapporte l’interlinguiste italien Alessandro Bausani :
« Le révérant Foster déjeune en compagnie de sa femme. Il lui dit
ceci : "Ma chérie, c’est à
notre mamba que tu dois donner l’avoine, mambi, comme tu le sais,
signifie zèbre !" ».
Le Volapük marque une étape capitale dans l’histoire des langues internationales publiées, car ce fut la première à obtenir un véritable succès et un réel usage international. Son créateur, le prêtre catholique allemand et polyglotte (40 à 80 langues) Johann Martin Schleyer, sera même considéré à ce titre par Zamenhof (l’inventeur de l’espéranto) comme le vrai père du mouvement en faveur d’une langue internationale. Ce qui ne devait être à l’origine qu’un projet de d’alphabet universel devint vite une langue internationale en 1879 avec pour nom « Volapük ». Il s’agit d’une langue a posteriori à système mixte, mais avec de nombreux traits de schématisme.
L’alphabet du Volapük* comporte 28 lettres (dont 8 voyelles). Sa grammaire est parfaitement régulière, mais sa grammaire est d’une complexité telle que son apprentissage et sa pratique sont rendus difficilement accessibles. La déclinaison connaît 4 cas : nominatif, génitif, datif et accusatif (ainsi qu’une forme de vocatif). La conjugaison est très détaillée (avec de nombreux temps, et des modes parfois très rares comme l’optatif ou le dubitatif), elle se forme à l’aide d’affixes : par exemple, dans pilöfoböv (« j’aurais été aimé »), p- est le préfixe passif, i- celui du plus-que-parfait, löf est la racine du verbe « aimer », ob désigne la 1ère personne du singulier, et öv est la désinence du conditionnel. Le volapükiste allemand Karl Lentze comptera, pour un même verbe, jusqu’à 505.440 formes possibles différentes ! Mais surtout, le vocabulaire du Volapük, bien que issu généralement des langues naturelles, est tellement modifié qu’il en devient presque méconnaissable : ainsi, le nom Volapük lui-même est construit à partir de vol issu de « World » et de pük issu de « speak ». De même, le français « animal » donnera nim, « compliment » deviendra plim, « image » mag, « origine » rig, etc.
Dès sa parution, le Volapük connu un succès retentissant auprès de l’intelligentsia et de la bourgeoisie internationales, auxquelles Schleyer destinait explicitement sa langue. En 1887, est crée l’Académie Internationale de Volapük « Kadem Bevünetik Volapüka ». Le succès est tel qu’en 1889, on recensait 283 sociétés volapükistes, 384 livres et 25 revues dans la langue, ainsi que 316 méthodes de Volapük en 25 langues. Le Volapük était alors à son apogée, mais son succès va retomber aussi vite qu’il était apparu, d’autant que se développe parallèlement l’espéranto qui connaîtra un meilleur destin (comme nous allons le voir dans la prochaine sous-partie). En effet, étant donné la difficulté du Volapük, de nombreux locuteurs se mirent à proposer petit à petit des réformes en vue d’une simplification de la langue ; mais Schleyer s’y opposa aussitôt de manière vive, déclarant qu’il était l’unique propriétaire de la langue et de ce fait l’unique personne autorisée à proposer et valider des changements à « sa » langue. L’erreur de Schleyer fut de ne pas comprendre les implications du passage de la création individuelle à la pratique collective (ce dont Zamenhof se gardera bien de reproduire en offrant dès le début sa langue aux locuteurs). Ainsi, le Volapük subit de nombreux schismes, il vit l’apparition de plusieurs projets de réformes ou de néo-Volapük aux noms les plus divers (Dil, Dilpok, Nuvo-Volapük, Balta, Spelin*, Veltparl...l’Académie de Volapük donna même naissance à l’Idiom Neutral* !), avant de disparaître peu de temps après la mort de son autoritaire inventeur. A ce jour, il reste à peu près quelques dizaines de Volapükistes, mais dont une bonne partie sont le plus souvent des espérantistes curieux de voir à quoi ressemblait la langue internationale qui avait précédé l’Espéranto.
L’Espéranto a vu le jour en 1887 (date du premier manuel d’apprentissage), au moment même de l’apogée du Volapük et juste avant son rapide déclin. L’initiateur de l’Espéranto était un médecin juif polonais, passionné par les langues, et qui se prénommait Lejzer Ludwik Zamenhof. Le premier manuel parut sous le nom de « Lingvo Internacia » (langue internationale) que Zamenhof signa par le pseudonyme Doktoro Esperanto (le docteur qui espère). Rapidement, la langue fut désignée par le pseudonyme de son créateur. L’Espéranto* fait partie des langues a posteriori mixtes, c’est-à-dire qu’elle mêle une dérivation naturelle à une dérivation en partie artificielle, et utilise des racines naturelles rarement déformées.
Son alphabet comprend 28 lettres et est totalement phonétique (à chaque lettre correspond un seul son, et réciproquement). La nature de chaque mot est toujours spécifiée par sa terminaison : –o pour les noms, –a pour les adjectifs, –e pour les adverbes et –i pour les verbes à l’infinitif. L’article défini est la (il n’y a pas d’indéfinis). Le pluriel se forme toujours par l’ajout de la lettre –j [à prononcer « y »] à la fin ; il n’y a qu’un seul cas : l’accusatif –n (pour indiquer le C.O.D. ou la direction) que l’on place en fin de mot. La conjugaison comporte 12 terminaisons verbales en tout (contre 2225 pour le français) et permettent d’exprimer une large palette de temps ; il n’y a aucun verbe irrégulier. (pour davantage d’informations sur l’Espéranto, se reporter aux exposés L'Espéranto, une langue pas comme les autres ? et Une grammaire complète en ¾ d’heure)
Comme le Volapük, l’Espéranto connut une importante descendance (Adjuvanto*, Antido, Eo, Esperanta, Esperantuisho, Esperido*, Europeo, Ido, Logo, Mondlingvo, Neo, Neo-Esperanto, Nepo°, Nov-Esperanto*, Nuv-Esperanto, Reform-Esperanto, Romanal*, Weltsprache esperanto°, Zamalo*, etc.), mais celle-ci ne l’empêcha pas de survivre. En effet, l’Espéranto est incontestablement, malgré son nombre restreint de locuteurs (les diverses estimations vont de 1 à 10 millions), la seule langue internationale publiée à avoir vraiment réussi, au sens où elle s’est construit une réelle communauté linguistique à travers le monde entier et qu’elle s’est maintenue pendant plus de 115 ans en dépit des nombreuses épreuves que l’Histoire lui a fait subir et des conditions déplorables dans laquelle elle a pu être enseignée (en comparaison à l’enseignement des langues nationales). Il faut signaler aussi que l’Espéranto a dès ses débuts obtenu le soutient de nombreuses personnalités (Léon Tolstoï, Jules Verne, et plus récemment Umberto Eco...) mais il a surtout été reconnu par des organismes internationaux comme l’UNESCO. L’Espéranto est aujourd’hui devenue une langue vivante à part entière ; toutefois, on ne peut encore prévoir avec précision quelle sera l’évolution de son utilisation au niveau de l’humanité entière...
Nombreux furent les interlinguistes qui voulurent tenter de simplifier le latin comme projet de langue internationale. L’une de ces langues minimales les plus abouties, et qui connut un certain succès en son temps, fut le Latino sine flexione du mathématicien italien Giuseppe Peano. On raconte que Peano présenta son projet en 1903 à Turin par un exposé en latin classique, qu’il simplifiait au fur et à mesure pour aboutir à un discours en Latino sine flexione. En 1909, le projet de Peano prit le nom de « Interlingua » (à ne pas confondre avec la langue de l’I.A.L.A.).
Comme son nom l’indique, le Latino sine flexione* n’a pas de flexion, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de cas ni de déclinaisons. La conjugaison est très épurée : tous les infinitifs se terminent par –re et le présent se forme par le retrait de cette terminaison infinitive ; quand aux autres temps, ils sont généralement formés à l’aide d’adverbes temporels ou d’auxiliaires divers. La langue ne nécessite ni de grammaire ni de dictionnaires spécialisés, mais seulement la connaissance des règles pour la simplification du latin. Les principes de l’économie linguistique ont été à ce point appliqués que certains spécialistes n’ont pas hésité à qualifier la langue de Peano de latin « chinoisisé » (en effet, le chinois est une langue sans flexion ; or Peano connaissait la structure de la langue chinoise).
Mais le projet du Latino sine flexione était tout autre que celui du Volapük ou de l’Espéranto. Giuseppe Peano n’a jamais vraiment eu pour but de faire du Latino sine flexione une langue commune pour l’humanité entière, mais juste d’offrir aux scientifique une langue facile dans laquelle ils puissent s’échanger les informations nécessaires à un niveau international. C’est ainsi que la revue « Revista di mathematica » fit paraître à partir de 1908 toute une série d’articles scientifiques (de divers auteurs) en Latino sine flexione. En 1909, Peano devint président de l’ancienne académie internationale de Volapük qu’il transformera en « Academia pro interlingua », laquelle publiera 3 revues en Latino sine flexione et aux contenus essentiellement scientifiques. L’usage du Latino sine flexione s’est vraisemblablement estompé aux alentours des années 60.
Le nom même de l’Ido trahit explicitement sa nature, car « ido » est un mot qui signifie « descendant » en Espéranto, mais il est sans conteste le descendant de l’Espéranto qui a connu le plus grand succès (comparativement aux autres dérivés de l’Espéranto). Ce succès fut tel qu’il faillit même concurrencer l’Espéranto à une certaine époque, et que ce rejeton de l’Espéranto donna lui-même suite à une descendance de langues issues de l’Ido (Adjuvilo*, Cosman*, Ido Reformita*, Latin-Ido, Novam*, Nov-Ido*, Occidental*, Unilo, etc.) ! On attribue cet Espéranto réformé aux français Louis Couturat et Louis de Beaufront (ce dernier avait déjà commencé à développer un projet de réforme de l’Espéranto sous le nom d’Adjuvanto*). L’Ido sera présenté en 1907 au Comité de la « Délégation pour l’adoption d’une langue auxiliaire internationale » (fondée par L. Leau et L. Couturat), parmi lequel se trouvent des linguistes de renommée internationale tel le polonais Jan Baudoin de Courtenay, le français Antoine Meillet ou encore le danois Otto Jespersen (futur auteur du célèbre Novial).
La grammaire de l’Ido* se
distingue de celle de l’Espéranto par certains traits : en premier lieu,
les 6 caractères accentués (ĉ,
ĝ, ĥ, ĵ, ŝ, ŭ) ont disparu (ils sont remplacés par ch, k, j, sh et w).
Ensuite, l’adjectif ne s’accorde plus avec le nom et l’accusatif n’est plus
obligatoire. Le pluriel se forme en substituant le –o final par un –i,
et non plus en ajoutant un –j à la fin. D’autre part, là où l’Espéranto
créait un mot à partir d’un autre (par exemple, le préfixe mal- qui
indique toujours le contraire permet de former malgranda
« petit » à partir de granda « grand »), l’Ido
utilise systématiquement 2 mots différents (« petit » se dira mikra
en Ido). Mais surtout, sur le plan du vocabulaire, l’Ido prétend appliquer
davantage le principe d’internationalité que l’Espéranto : or, on se rend
compte qu’il utilise dans la plupart des cas des racines françaises (kulpigi en Espéranto devient akuzar en Ido, ŝajni devient semblar,
parolado est remplacé par diskurso, eldoni par editar,
etc.) ; cette apparente contradiction s’explique d’une part par le fait
que les auteurs de l’Ido sont des français (ce qui a forcément dû les
influencer), et d’autre part par des raisons historiques, le français étant
alors la langue dominante dans le monde (si l’Ido était né de nos jours, il y
aurait certainement alors eu une majorité de racines anglaises).
L’Ido avait donc pour but de faire évoluer l’Espéranto vers une langue plus naturaliste. Il a connu un certain succès à ses débuts, créant des schismes au sein du mouvement espérantiste par l’existence en parallèle d’un mouvement idiste (qui s’est souvent inspiré de son modèle espérantiste). Mais au fur et à mesure des années, le mouvement idiste s’est progressivement diminué, et il ne doit rester aujourd’hui que quelques centaines de personnes à encore parler l’Ido. Néanmoins, notons que l’Ido fut la seule langue publiée avec l’Espéranto à avoir été répandue auprès d’un public de toutes origines sociales (contrairement à l’Occidental, le Latino sine flexione ou l’Interlingua qui sont ou ont été pratiquées par une certaine élite intellectuelle) et culturelles (il y eut des associations d’Ido même dans des pays du tiers-monde). Enfin, pour ce qui est de la langue en elle-même, on remarquera que l’Ido a au cours du temps influencé l’Espéranto que l’on parle aujourd’hui : par exemple, par l’usage des préfixes non-officiels –iz, –oz et –iv.
En dehors de l’intérêt pour la simplification de langues mortes, comme le Latino sine flexione, de nombreux interlinguistes se sont attachés à essayer de simplifier des langues vivantes déjà existantes, le plus souvent des langues à ambition internationale. Ce qui explique pourquoi il y eu un grand nombre de projets d’anglais simplifié, parmi lesquels le plus connu est sans conteste le Basic English. Ce projet est à l’initiative de Charles Kay Ogden (en collaboration avec le poète anglais Ivor Armstrong Richards) et vit le jour en 1930, après un premier essai sous le nom de Panoptic English en 1929. Le nom de BASIC est en fait l’abréviation de « British American Scientific International Commercial).
Le Basic English* a pour but de couvrir, avec un vocabulaire aussi réduit que possible, un champ d’expression aussi vaste que possible. C’est-à-dire que son vocabulaire est censé se limiter à 850 mots (il y en avait 500 dans le Panoptic English) avec seulement 18 verbes (que l’on associe à des particules et compléments pour exprimer l’équivalent de 4000 verbes traditionnels). Mais il importe de signaler que cette liste de 850 mots n’est pas vraiment exhaustive, car il faut y rajouter des milliers de mots dits « internationaux » (et qui ne sont pas toujours si internationaux que cela). En outre, ce vocabulaire très limité contraint le locuteur à avoir sans cesse recours à de lourdes périphrases assez complexes (ainsi, la phrase « The officier led his soldiers against the ennemy, but the ennemy stood firm » donnera en Basic The lieutenant went in front of his men to the attack, but the other side did not give way), ce qui aboutit à paralyser l’expression et la compréhension.
Ainsi donc, même s’il obtint l’approbation de Winston L. S. Churchill, le Basic English eu un succès tout aussi limité que celui du Latino sine flexione. Cela met bien en valeur la difficulté à laquelle sont confrontées toutes les langues dites « minimales », car celles-ci d’une part défigurent la langue dont elles sont issues sur un plan esthétique, et d’autre part la restreignent sur la plan de la communication et de l’expression. Néanmoins, il importe tout de même de reconnaître l’intérêt linguistique du Basic English qui, à partir de son vocabulaire très limité, avait tout de même permit de rédiger des dictionnaire de 20 000 à 30 000 mots !
L’Interlingua est, avec l’Occidental* de l’estonien Edgar von Wahl, l’un des projets de langue naturaliste les plus aboutis et les plus représentatifs. Mais l’Interlingua se démarque de la plupart des autres langues publiées par le fait qu’elle a été le fruit d’un long travail collectif mené par des spécialistes de la langue. En effet, on attribue généralement l’Interlingua à l’I.A.L.A. (International Auxilary Language Association), sorte de deuxième « Délégation pour l’adoption d’une langue auxiliaire internationale » fondée l’américaine Alice D. Morris. L’I.A.L.A. travailla sur la question de 1924 à 1951, avec la participation de nombreux linguistes renommés comme Otto Jespersen (qui, mécontent de son Novial* de 1928, s’était rapproché à partir de 1937 des systèmes naturalistes), Edward Sapir ou encore André Martinet. Des quatre variantes qui résultèrent de ces travaux, l’I.A.L.A. retint celle élaborée par l’américain Alexander Gode.
Par son naturalisme excessif, l’Interlingua* est conduit également à imiter les irrégularités et les défauts des langues naturelles. Tout d’abord, bien que l’alphabet de l’Interlingua ne comporte pas de signes diacritiques (lettres accentuées, etc.), sa prononciation aussi bien que sa transcription écrite manquent gravement d’unité : chaque son pourra être transcrit de différentes façons et, par exemple, le mot « journal » pourra s’écrire zhurnal ou jurnal, le « tsar » s’écrira tzar ou car, la « Russie » Rosija ou Rossiya, etc. D’autre part, les mots étant souvent pris tels quels d’une langue naturelle, il ne pourra y avoir en Interlingua de dérivation fixe avec des terminaisons régulières, ce qui pourra parfois engendrer des hésitations comme pour placer qui n’est pas un verbe (malgré son apparence, car il existe un groupe de verbe en –er en Interlingua) mais un substantif. Néanmoins, la langue est très riche et comporte de nombreux synonymes (die et jorno pour « jour », gorga, gurgite et jugulo pour « cou », etc.). Mais l’Interlingua aura aussi, comme les langues naturelles, des pluriels et des verbes irréguliers.
L’Interlingua est, après l’Espéranto, la deuxième langue publiée à avoir le mieux survécu à l’épreuve du temps, même s’il convient de relativiser ce succès car l’Interlingua est 2 fois plus jeune que l’Espéranto et ne doit avoir à ce jour que quelques milliers de locuteurs. Toutefois, ce fait atteste que la langue doit certainement avoir des qualités qui lui ont permit de survivre. Notons que la grande majorité du vocabulaire de l’Interlingua est d’origine romane (et bon nombre de mots grammaticaux ont même été repris directement du latin), auxquels s’ajoutent des mots issus du russe ou de l’allemand. L’Interlingua s’orientait donc apparemment vers l’intelligentsia européenne, ce qui semble être le cas vu que la langue est aujourd’hui utilisée essentiellement pour des articles scientifiques, notamment de médecine.
Nous avons pu constater ici que nombreuses ont été les langues internationales publiées (et peut-être en verra-t-on encore d’autres apparaître dans les décennies à venir). Il y en eut de toutes sortes, mais seul un nombre restreint d’entre elles ont dépassé le stade de projet. Aujourd’hui, comme nous l’avons déjà précisé, l’espéranto est manifestement la langue internationale publiée la plus connue et la plus parlée de par le monde. Néanmoins, parmi les autres langues publiées existants encore de nos jours, certaines continuent à être pratiquées par pur intérêt linguistique et historique, tandis que d’autres persistent à poursuivre le même but que l’espéranto (malgré la nette différence démographique).
Or, le problème de la communication internationale amène plusieurs questions : faut-il choisir une ou plusieurs langue(s) ? doit-il s’agir de langue(s) « naturelle(s) » ou « artificielle(s) » ? laquelle (ou lesquelles) ? Et c’est là essentiellement que se pose le point le plus problématique, car comme le disait le traducteur R. Husson (h) : « Tout le monde est pour une langue internationale...à condition que ce soit la sienne ! ».
Citons donc, pour conclure, le conseil que donne Pierre Burney, vers la fin de son Que sais-je ? (pp. 117-118), aux défenseurs d’une langue internationale (qu’elle soit « naturelle » ou « artificielle ») : « [...] un accord mondial sur une langue auxiliaire commune n’est si difficile à réaliser qu’à cause de la haine, ou tout simplement de la méfiance et de la peur qui nous paralysent. [...] Les spécialistes d’interlinguistique, ainsi que les nombreux mouvements qui travaillent actuellement en faveur d’une langue auxiliaire mondiale devraient commencer par donner l’exemple. Les groupes et les chapelles ont une tendance bien humaine à présenter leur solution comme la seule possible, ou du moins la seule souhaitable [...]. Qu’ils [...] s’unissent d’abord autour de leur objectif commun : l’adoption d’une langue auxiliaire. Seul un Front pour une langue mondiale serait peut-être assez puissant pour inciter l’opinion et les gouvernements à franchir le pas décisif. ».
Exemples
comparatifs (Prière sur l’Acropole) :
Français : « Je suis né, déesse aux yeux bleus, de parents barbares, chez les Cimmériens bons et vertueux, qui habitent au bord d’une mer sombre... » (Prière sur l’Acropole, Ernest Renan)
Esperanto : « Mi naskiĝis, bluokula diino, de barbaraj gepatroj, ĉe la Kimerianoj bonkoraj kaj virtamaj, kiuj loĝas borde de maro malhela... »
Ido : « Me naskis, bluokula deino, de barbara gepatri, che la bona e vertuoza Kimeriani, qui habitas la bordo di maro obskura... »
Latino sine flexione : « Me e nasce, O Dea cum oculos caeruleo, de parentes barbaro, apud bono et virtuoso Cimmerianos qui habita prope litore de mari obscuro... »
Interlingue (Occidental) : « Yo nascet, deessa con blu ocules, de barbaric genitores, che li Kimmerianes bon e virtuosi, quel habita in li bord de un mare obscur... »
Interlingua : « Io nasceva, o dea al oculos azur, de parentes barbare, inter le bon e virtuose Cimmerios, qui habita al bordo de un mar tenebrose... »
Exemples
comparatifs (Notre Père) :
Adjuvanto (> E-o ; L. de Beaufront, 1902) : Patro nua, kvu estas in el ĉjelo, estez honorata tua nomo ; venez regno tua ; estez volo tua kome in el ĉjelo, tale anke sur el tero ; pano nua ĉaskaĵorna donez al nu hodje ; ed pardonez al nu debi nua, kome nu pardonas al nua debanti ; ed ne konduktez nu en tento, ma liberifez nu di el malbono.
Adjuvilo
(> Ido ; C. Colas, 1910) : Patro nosa qua estan en cielos, santa
esten tua nomo, advenen tua regno, esten farata tua volo, quale in cielos, tale
anke sur la tero. Nosa pano omnadaga donen a nos hodie ; nosas ofendos
pardonen a nos quale nos pardonan a nosas ofendantos, e ne lasen nos fali en
tento, ma liberifen nos de malbono. Amen !
Basic English (C.K. Ogden, 1935) : Our Father in heaven, may your name be kept
holy. Let your kingdom come. Let your pleasure be done, as in heaven, so on
earth. Give us this day bread for our needs. And make us free of our debts, as
we have made free those who are in debt to us. And let us not be put to the
test, but keep us safe from the Evil One.
Basic English réformé (> Basic English ; L.Y. Le Bretton,
1972) : Our father in the heavens, let your name be sanctified. Let your
kingdom come. Let your will take place, as in heaven, also upon earth. Give us
today our bread for this day ; and forgive us our debts... [...]
Langue Bleue / Bolak (L. Bollack, 1899) : Nea per, ev
ra seri in silu, vea nom ecc santigui, vea regn ecc komi ; vea vil ecc
makui ib gev so in sil ; ev givo dacc nea pan taged ana, it ev solvi nae
fansu ana so ne solvo acce re ufanso na ; it ev nu lefti na to temy, bo ev
bevri na om mal.
Carpophorophilus (post. ; Carpophorophilus,
1734) : O baderus noderus, ki du esso in seluma, fakdade sankadus ha
nominanda ; adfende ha rennanda duus ; ho folanda duus fiassade duus
fiassade fiassade felud in seluma, sik koke in derra. Ho banisa noderus
diessalis dade dunobis in hik diessa ; ed remiddade du nobis ho debandaim
noderus, felud nos remiddo hi debansaim noderus ; ed non indukade du nobis
in dendassanda ; sed liberade nobis a malanda.
Communicationssprache (> fr., post. ; J. Schipfer, 1839) : No pera, wia ete Cielu, ta Noma sanctiferii ; ta Royoma Ais arrivii ; ta volonta färerii com Cielu änsi Terru. Donne Ais noa Päno quotidien ; pardonne Ais noa offansos, com pardonnas Aos offanding ; no permette que succombias tantationi ; mä delivre Aos malu.
Concordu
/ Concorde (S. Flaherty Hall, 1952) : Ni padro qi zan in Cele,
laodad zaf ti nom. Ti regne ven, ti
vulzaf fad, en Munde tal in Cele. [...]
Cosman (> Ido ; H. Milner, 1927) : Nor pater, so du es in ciel, benedi’ et sey tu nam. Tu regia veney, tu vole fiey, as in cosme sic as po terr. [...]
Democratic Occidental / Cultural (A. Ivanov, 1933) : Pater nor, qui es in ciele(s), essez santificat tui regnie (imperie), essez fat tui volonte sur tere quom in ciele. Donez nos hodie nor pane totidiol. E pardonez nos nor debites quom anc nu pardona a nor debitores. E ne inducta nos al tentation, ma liberez nos del male.
Dolmetscher-Sprache (pri. ; A.F. Staffler, 1869) : Emi Nassa sehe oba bealla. Oizenda
fazzo...[...]
Esperantido (> E-o ; R. de Saussure, 1913) : Patro
nina kay estas en la cielo, sankta estoy vina nomo, venoy rejeco vina, estoy
volo vina kale en la cielo tale sur la tero. [...]
Esperanto (post. ; L.L. Zamenhof, 1887) : Patro nia, kiu estas en la ĉielo, sankta estu via nomo ; venu
regeco via ; estu volo via, kiel en la ĉielo, tiel ankaŭ sur la tero.
Panon nian ĉiutagan donu al ni hodiaŭ ; kaj pardonu al ni
ŝuldojn niajn, kiel ni ankaŭ pardonas al niaj ŝuldantoj ; kaj ne
konduku nin en tenton sed liberigu nin de la malbono.
Esperanto
réformé (> E-o ;
L.L. Zamenhof, 1894) : Patro nue, kvu esten in cielo, sancte estan tue
nomo, venan regito tue, estan volo tue, kom in cielo, sic anku sur tero. Pano nue
omnedie donan al nu hodiu e pardonan al nu debi nue, kom nu anku pardonen al
nue debenti ; ne kondukan nu in tento, sed liberigan nu de malbono.
Esperanto sen fleksio (> E-o ; Rik Harrison) : Patro nia, kiu
esti en chielo, sankta estu via nomo; venu regno via; estu fari volo via, kiel
en chielo tiel ankaw sur tero. Na pano nia na chiutaga donu al ni hodiaw, kaj
pardonu al ni shuldo nia, kiel ni ankaw pardoni na nia shuldanto, kaj ne
konduki na ni en tento, sed liberigu na ni de malbono.
Esperido (> E-o, Ido ; H.E. Raymond, 1925) : Nia
patru kiu estas en himelo, santa estu zia nomo, zia nomo venu, zia nomo estu
Kiel en himelo tiel sur tero. [...]
Etem (Yushmanov, 1928) : Nostro patro ki es in urano, tuo nomin a sanktifik, tuo vol
a es, kuam in urano tam in geo.
Eulalia (S. Škrabec) : Patre Noiji quo éna vi iei
coeloi sanctificáolue ie nomine tôje, adveniéonue ie regno tôje ; fiéonue ie
voluntate tôje, sicu vi ie coelo e ni ie terra. Ié pâné nôije quotidiâne dàonua
nivi hodiî ; e dimettéonna nioi débitoi noijéi, sicu e nôvi dîmetténoi a
ioi débitôrei nôijôi. E né nôi indûcéonua vi tentâtiône, se lîberâonua nôi da
îe malo. Améni.
Europanto
(Diego Marani, 1996) : Notre Padre who est en la ciel, may votre nombre
est sanctificado. Venga votre reino. may votre voluntad est fatto, comment en
ciel, assim on la terre. Da us notre pane chaque giorno. y not pardonu notre
deudas, assim comment we pardonar notre deudoress. y not induce us en
tentasion, mais free us del mauvais.
Idiom Neutral / Neutral (> Volapük, post. ; V. K. Rosenberger, 1902) : Nostr patr kel
es in sieli ! ke votr nom es sanctifiked ; ke votr regnia veni ; ke votr volu
es fasied, kuale in siel, tale et su ter. Dona sidiurne a noi nostr pan
omnidiurnik ; e pardona (a) noi nostr debti, kuale et noi pardon a nostr
debtatori ; e no induka noi in tentasion, ma librifika noi da it mal.
Ido (>
E-o ; L. Couturat & L. de Beaufront, 1907) : Patro nia, qua esas
en la cielo, tua nomo santigesez; tua regno advenez; tua volo facesez quale en
la cielo tale anke sur la tero. Donez a ni cadie l'omnidiala pano, e pardonez a
ni nia ofensi, quale anke ni pardonas a nia ofensanti, e ne duktez ni aden la
tento, ma liberigez ni del malajo.
Ido reformita (> Ido ; G. Meazzini, 1928) : Patro nie qu es in cieli,
santizat ez tue nom, arivez tue regn, tue vol ez exekutat qual in ciel tal ank
in ter. [...]
Interglossa (L.T. Hogben, 1943) : Na parenta in urani : Na dicte volo ; tu
Nomino gene revero ; Plus tu Crati abe accido ; plus u Demo acte harmono
tu Tendo epi Geo homo in Urani. Na dicte petitio : Tu date plus di Pani a
Na ; plus Tu acte pardo plus malo Acte de Na ; metro Na acte pardo
Mu ; Su acte malo de Na. Peti Tu non acte dirigo Na a plu malo
Offero ; Hetero, Tu date libero Na apo Malo. Causo Tu tene u Crati plus u
Dyno plus un eu Famo pan Tem. Amen.
Interlingua (I.A.L.A. / A. Gode, 1951) : Nostre Patre qui es in le celos,
que tu nomine sia sanctificate, que tu regno veni ; que tu voluntate sia
facite como in celo assi etiam in terra. [...]
Interlingua systematic / is (> Latino sine flexione ; J. Rossello-Ordines, 1922) :
Patre nostre qui es in celes, ut tue nomin esse sanctificato, ut tue regne
adven, ut tue voluntate fi in terre sicut in cel. [...]
Interprète international / Interpres (mixte ; V. Hély, 1908) :
Nostre pater qu ses in el celum, tu nomen sit sanctificat ; tu regnum sit
adveniens, tu voluntas sit fact in el terra sicut in el celum. [...]
Italiane Semplificate (> it ; H. Pellegrini, 1971) : [...] Da-ci oggi le nostre pane quotidiane e rimette a noi le nostre debitos come noi los rimette al nostro debitores, e non induce noi in tentazione, mi libera-ci dal male.
Latinesce (> Lingua, post. ; G.J. Handerson, 1901) : Nostre Patre qui esse in coele, sanctificate esse tue nomine ; veni tue regne ; facte esse tue voluntate, ut in coele, ita in terre. Da ad nos hodie nostre quotidiane pane ; et remitte ad nos nostre debites, sicut et nos remitte ad nostre debitores ; induce nos non in tentatione, sed libera nos ab male.
Latino sine flexione (> lat., post. ; G. Peano, 1903) : Patre nostre qui es in celos, que tuo nomine fi sanctificato, que tuo nomine fi sanctificato, que tuoregni adveni, que tua voluntate es facta sicut in celo et in terra. [...]
Lingua Komun (> lat., post. ; F.R. Kürschner, 1900) : Padre nose kuale tu ese in cielo, sante esa tue nómine ; vena imperio tue ; voluntá tua esa fate sur tera komo in cielo ; dé a nos hodi nose pan kuotidian ; perdone nose kulpas, kual nos perdona nose kulpantes ; ni konduka nos in tentacion, ma libere nos de lu mal.
Maryala
(> lat. ; Béla Máriás,
1946) : Muy patra, ka
jan en cölay, santages tu noma, alvene tu regna, ages tu vola, cel en cöla ey
en tera. Muy omdyol pano done müy hadyam ey pardone müy ofendoy cel ey may
pardonan muy ofendeyüy nyey konduke moy en tento ba liberage moy peyen.
Monopanglotte (post. ; P. Gagne, 1843) : Notre père / Aschar ajah
antar diaus, / sos onoma esse sanctificare ! / sos reynado arribar, / sos
ville esse gara over / earth almost antar diaus ; / date, segadnya, /
notre chlèb Godzienny ; / ghafar notre Gunah, / almost mâ ghafar bè mard /
ascher turkk-malatsak / anfangnirian tchi / kieou-ngo-menn iun hion-ngo. /
Amen.
Mundolingue (> lat., post. ; J. Lott, 1889) : Patre nostri
resident in cele, tei nomine e sanctificat. Tei regne vole venir a nostri. Tei
voluntate e exequer ne solu in cele ma eti in terre. Da tu a nos hodie nostri
quotidian pane, et pardona a nos nostri debiti, qua eti noi pardona al nostri
debitores. Ne induce tu nos in tentatione, ma libera nos de omne male.
Neo (A.
Alfandari, 1961) : Na Patro ki sar in cel, siu ta nom santat. Venu ta
regno. Siu fat ta vol, asben
in cel, as on ter. Na shakida pan ne diu oje. E ne pardonu na debos, as nos
pardonar na deberos. E no ne induku in tentado, mo ne fridu da mal.
Nepo slav.a (> E-o ; V.E. Tchechihine, 1915) : Vatero nia kiu
estas en coelumo, heiliga estu nameo via, kommenu regneo via, estu willeo via
kiel en coelumo tiel sur erdeo. [...]
Niuspik (J. Herpitt, 1956) : No pater serit at cel, to nom orsante,
tw nom orsante, tw reh vene, tw vule orface tan at cel k& at erd. Gived to
nu, nw ictagi& pan, tan firmed nu k& nu fim alers, net peired nu vek
tente b& plated nu imer.
Nov Latin Logui (> Latino sine flexione ; K. Pompiati, 1918) : O maisen parento, kvi ess in zoeli, vun nomi sagitu, vun regnari venu, vun buli agitu kvam in zoeli tam in terri. [...]
Novam (> Ido ; G. Touflet, 1928) : Patro nia que es nel sieli, vua nomo santificieveu, vua regno adveneu, vua volo fareveu sur il tero quale nel sielo. [...]
Nov-Esperanto (> E-o > Antido I ; R. de Saussure, 1925) : Patro nina kay estas en la cielo, sankta estoy vina nomo, venoy rejeco vina, estoy volo vina, kale en la cielo, tale sur la tero. [...]
Novial (> Ido & Occidental ; O. Jespersen, 1928) : Nusen Patro kel es in siele, mey vun nome bli sanktifika, mey vun regno veni, mey vun volio eventa sur tere kom in siele. [...]
Nov-Ido (> Ido ; A. Stör, 1937) : patre nia, qua es in ciele, santifiked essey tua nome, tua regnie essey nia, tua vole valorey, tam in la ciele kam sur la tere, nia omnadia pane tu doney a i hodia, ed a ni pardoney nia kulpi , quale ni anke indulgo la kulpanti kontra ni, e non tentey ni, ma liberisey ni del malao.
Occidental / Interlingue (> Ido ; E. von Wahl, 1922) : Patre nor, qui es in li cieles. Mey tui nómine esser sanctificat, mey tui regnia venir. Mey tui vole esser fat qualmen in li cieles talmen anc sur li terre. Da nos hodie nor pan omnidial, e pardona nor débites, qualmen anc noi pardona nor debitores. E ne inducte nos in tentation, ma libera nos de lu mal.
Omnez (S.E. Bond, 1912) : Nostro Pater, qui esa in ciel, to nom esaz sant, ta regnum venaz, to volio esaz exekutat in ter quale in ciel. Donuz a nos hodie nostro dial pan ; pardonus a nos nostro ofendios, quale nos pardona les qui ofenda nos, e ne lasuz nos faler in tentio, sed liberifuz nos ex malita.
Pasilingua (post. ; P. Steiner, 1855) : Patro miso, quo er in cœla, nama tüa sanctore, kingdoma tüa kommire, tüa willu fairore sur erdaut in cœla. Donnare misbi misan brodan taglian ; pardonnare missas dettas uti mis pardonnars misosbi debitorosbi. [...]
Qôsmiani / Cosmian (W.M.L. Beatty, 1922) : Mems patro qwe esip ir celestii, tom nomini sanctificatap, tom regni venap, tom voliti fiatap aq ir celestii, taleq or terri. [...]
Ro (pri. ; E.P. Foster, 1906) : Abze radap av el in suda, ace rokab eco sugem, ace rajda ec kep, ace va eco, uz in suda asi in buba.[...]
Romanal (> lat. ; A.C. Michaux, 1909) : Patro nostri qui est in cieles, sanctificat estas nomine tui, advenias regne tui, fias volite tui, sicut en ciele et en terre. [...]
Spelin (> Volapük, post. ; G. Bauer, 1886) : Pat isel, ka bi ni cielœs ! Nom el zi bi santed ! Klol el zi komi ! Vol el zi bi faked, kefe ni siel, efe su sium ! Givi ide bod isel desel is. Fegivi dobœs isel, kefe tet is fegivis tu yadobœs isel ; et nen duki is ni tantœ, bœt libi is de mal.
Spokil (pri. ; A.C.A.M. Nicolas, 1889) : Mael nio, kui vai o les zeal ; Aepseno lezai tio mita. Veze lezai tio tsaeleda. Feleno lezai tio bela, uti o zeal itu o geol. Demai da ni zaiu nio braimo ulliozo. E sbilai da ni noi gelena, uti ni itu sbilai da gelenelas nio. E no apidai ni o fismena. Stunibai ni i le sfail.
Tutonish (> angl. & all., post. ; E. Molee, 1902) : vio fadr hu bi in hevn, holirn bi dauo reik kom, dauo vil bi dun an erd, as it bi in herv ; giv vi dis dag vio dagli bred, and fergiv vi vio shulds, as vi fergiv vio shuldrs ; lied vi not intu fersieku, but befrie vi from ievl, let so bi.
Tutonish “inter-romane” (E. Molee, 1902) : nuo padr, ki bi in siel, sanktirn bi tuo nom, tuo regnu ven, tuo vol bi fasn sur ter kom in siel ; don nu hoy nuo diali pan ; et pardon nu nuo debits, kom nu pardon nuo debitors ; et induk nu non in tentu, ma delivr nu de mal.
Ulla (post. ; F. Greenwood, 1906) : Vus Patra hoo este n ciela, sankted este dus noma, dus rexdoma vene, dus desira este färed n terra als tu este n ciela ; donne vur vus pa däli, ä kardonne vur vus detas, als vu kardonne vus detzas ; ä gide vur ne dans temtata, aber delivre vur el evla.
Uniala (P.J. Troost / P.E. Stojan, 1923-28) : Patro nosyo qi e an cielus, santifita esay noma tuya, venay rega tuya, facay volunta tuya qom an cielu eti sur la tera. [...]
Universal (> lat., post. ; H. Molenaar, 1906) : Patr nostr, qui es in ziel, ton nom ese sanktifizet ; ton regn vene ; ton voluntat ese fazet in ter kom in ziel. Done nos hodi nostr pan quotidian ; pardone nos nostr debiti, kom nos pardon a nostr debitori ; e non induze nos in tentazioni, ma libere nos de mal.
projet
Vilborg (> Eo ; E. Vilborg, 1969) : Patro nua qui
estat in chielu ; sancticate estut wua nomu ; wenut wua fegnu ;
occasut wua wolu, quiel in chielu, istiel super teru. Nua, panum omnedialem donus ad nui hodiaw. Kaj
pardonus ad nui nuayn shulduyn, quiel ancaw nui pardonam ad nuay shuldantuy.
Kay ne conducus nuin in temptum, sed libericus nuin de malbonu.
Viva (post. ; N.A. Nesmeïanov, 1913) : Patr no ki es en ska,
santanu to im, komu to regn, makru to vil, ut en ska it on ge. [...]
Volapük (post. ; J.M. Schleyer, 1879) : O Fat obas, kel
binol in süls, paisaludomöz nem ola! Kömomöd monargän ola! Jenomöz vil olik, äs
in sül, i su tal! Bodi obsik vädeliki givolös obes adelo! E pardolös obes debis
obsik, äs id obs aipardobs debeles obas. E no obis nindukolös in tentadi; sod
aidalivolös obis de bad. Jenosöd!
Weltsprache (> lat., post. ; A. Volk & R. Fuchs, 1883) : Not Pater,
vel sas in les cöles, ton nomen sanctöt, ton regnon venät, ton voluntat söt vam
in le cöl, tam in le ter. Not diniv pana da mib godie. Condona mib not culpa,
vam ems condonami not debitorib. Non duca mas in tentation, sed libera mas lis
malot.
Zamalo (> Eo ; C.F.A. Alting, 1966) : ŋja padro
Θiu estu in la cielo, sahqtata estu wia nomom, venu wia regnom, oquru wia
wolom na la tero, qiel in la cielo, donu dnese hia dena panom i pardonu hiom
hia qulpoms.
Doc.1 (b) : Classement des langues internationales
Langues internationales :
I. philosophiques (a priori)
II. empiriques (a posteriori)
I. Langues a priori (schématiques, ou métalangues) : racines artificielles, dérivation schématique, fixité des catégories de mots
II. Langues a posteriori (naturalistes, ou pseudolangues)
A. Langues naturelles simplifiées (minimales) :
1) Langues issues de langues mortes
2) Langues issues de langues vivantes
B. Langues mixtes employant des racines artificielles et des racines naturelles :
1) Dérivation schématique :
a) Langues à racines naturelles déformées (famille du Volapük*)
b) Langues à racines artificielles et racines naturelles (Pario, 1904)
2) Dérivation mixte (en partie schématique et en partie naturelle) : les langues de cette famille ont les racines naturelles, rarement ou jamais déformées (famille de l’Esperanto*)
C. Langues naturalistes :
1) Conservant des vestiges de schématisme (famille de l’Unial [1903] et du Novial* [1928-1937])
2) Dérivation naturelle (Occidental* [1922], Interlingua* [1951])
Doc.2 (b) : Tableau chronologique des principales langues internationales publiées
Dates |
pasigraphies |
pasilalies |
|||
a priori |
a posteriori |
||||
simplifiée |
mixtes |
naturalistes |
|||
1491 |
|
|
T. Folengo Latin
macaronique |
|
|
1661 |
Dalgarno (GB) Philosoph. Langage |
J.A. Komensky, dit
Comenius (CZ) |
J. Križanić (KR) Ruski jezik |
|
|
1668 |
J. Wilkins (GB) Philosoph. Langage
|
|
|
|
|
1711 |
|
|
J. Swift (GB) |
|
|
1772 |
G.
Kalmar (HU) |
|
|
|
|
1779 |
K. Berger (DE) |
|
|
|
|
1788 |
De Ria (CH) |
|
|
|
|
1793 |
|
|
B. Curmerdei |
|
|
1795 |
Delormel (FR) |
|
|
|
|
1797 |
J. de Maimieux (FR) Pasigraphie
|
|
|
|
|
1805 |
J.Z. Näther (DE) |
|
|
|
|
1826 |
|
|
J. Herkel (CZ) |
|
|
1832 |
|
|
|
F.A. Gerber (DE) |
|
1839 |
|
|
J. Schipfer (DE) Communicationssprache* |
|
|
1847 |
|
|
J. Bradshaw (GB) |
|
|
1852 |
S. Ochando (ES) |
C.L.A. Letellier (FR) |
|
P.L.
Martinez (ES) |
|
1853 |
|
|
N.Lichtenstein (DE) Weltdeutsch |
|
|
1858 |
|
|
|
L. de Rudelle (FR) Cosmoglossa |
|
1865 |
|
|
M. Majar
(YU) |
|
|
1866 |
J-F. Sudre Solrésol
|
|
|
|
|
1868 |
|
|
|
J. Pirro (FR-DE) Universalglot
|
|
1876 |
J.
Damm (DE) |
|
|
|
|
1879 |
|
|
Poincaré
(FR) Ixessoire
|
J-M. Schleyer (DE) Volapük*
|
|
1884 |
Baranowski
(FI) |
|
|
|
|
1885 |
|
|
P. Tomić
(YU) |
|
|
1886 |
Rosental
(IT) |
Maldant
(FR) ; C. Menet (FR) |
|
|
|
1887 |
|
|
|
L.L. Zamenhof (PL) Esperanto* ;
Dormoy Balta
;
Kerckhoffs Nuvo-Volapük |
|
1888 |
|
|
Molee (US) Germanic English ; A.M. Bell (GB) World English
;
G.J. Henderson Anglo-latin ; S. Bernard (AT) Lingua franca
nuova |
G. Bauer (YU) Spelin* |
|
1889 |
|
Nicolas
(FR) Spokil* |
G.J. Henderson Anglo-franca |
|
Lott
(AT) Mundo Lingue* |
1890 |
|
|
A.V. Startchewski ; G.J. Henderson Nuntius latinus inter. |
|
|
1892 |
|
|
J. Giro (FR) |
Dormoy (FR) Balta
|
|
1893 |
|
|
A.G. Lakide (RU) Fransesin |
Fieweger (DE) Dil
|
|
1896 |
|
|
|
W. von Arnim (DE) Veltparl |
|
1897 |
|
|
J. E. Puchner (AT) Nuove Roman |
|
|
1898 |
Hilbe
(AT) |
|
P. Bohin (FR) Patoiglob |
Marchand (FR) Dilpok |
|
1899 |
|
|
|
L. Bollak (FR) Langue bleue*
|
|
1901 |
|
|
F. Isly (FR) Linguum Islianum |
|
|
1902 |
|
|
E. Molee (US) Tutonish* ;
K. Froehlich
(AT) Reform-Latein ; E. Frandsen (AT) Universal Latein |
|
V.Rosenberger (RU) Idiom Neutral*
|
1904 |
|
M.
Talundberg (DE) Pario |
G. Peano (IT) |
|
|
1906 |
|
|
E. Molee (US) Niu tutonish |
|
H. Molenaar (DE) Universal*
|
1907 |
|
|
La Grasserie
(FR) Apolema
|
L. Couturat (FR) Ido*
C.L.
Spitzer (DE) |
|
1908 |
|
E.P.
Foster (US) Ro* |
I. Hošek (CZ) Panslave |
|
|
1909 |
|
|
|
R. Triola (IT) Italico
|
J. Weisbart (DE)
Unial
|
1910 |
J. Orsat (FR) Correspondance universelle chiffrée |
|
Perfect ; Moeser (AT) Semi-Latin
|
R. de Saussure (CH) Novesperanto* ;
Reform-Esperanto |
|
1911 |
|
De Sarrauton (FR) Molog |
Ferranti (IT) Simplo ;
Ernst (DE) Nove
Latine |
G. Vanghetti (IT) Latin-Esperanto |
|
1912 |
|
|
J. Konečný (CZ) Slava-espéranto ; E. Kolkop (CZ) Slovanština |
|
|
1915 |
|
|
Baumann (DE) Wede ;
E. Molee (US) Allteutonic |
V.Tcheshikhine (RU) Nepo°
|
|
1916 |
J.
Linzbach (RU) |
|
|
|
|
1918 |
|
|
K.T.G.
Keyser (SE) Universalspråket |
|
|
1919 |
V.Tcheshikhine (RU) Neosinografia |
|
V. Martellotta (IT) Latinulus |
|
|
1920 |
|
Gordin
(RU) Beobi
|
|
|
|
1921 |
Kukel-Krajewski ; Thiemer (DE) Timerio |
|
|
|
|
1922 |
|
|
G. Semprini Neolatine ; J. Rossello-O. (ES) Interlingua systematic |
|
E.
von Wahl (ET) Occidental*
(1947: Interlingue)
|
1923 |
|
|
A.
Lavagnignini (IT) Unilingue ; E. Molee (US) Toito Spike |
|
|
1924 |
F. Gilbert |
|
J.W. Hamilton World English |
|
|
1925 |
|
Nield
(FR) Lega |
A. Lavagnignini (IT) Monario ; Fibula (IT) Latino
Viventi |
Raymond (US) Esperido*
|
|
1928 |
|
|
Baumann (DE) Oiropa Pitshn |
|
O.
Jespersen (DK) Novial*
|
1929 |
|
|
C.K. Ogden (GB) Panoptic
|
|
|
1930 |
|
|
R. Zachrisson
(SE) Anglic ;
Macmillan (GB) Latinesco |
|
|
1935 |
|
|
C.K. Ogden (GB) Basic*
|
|
|
1938 |
|
|
L. Weber (PL) Panlingua |
|
|
1943 |
|
B.
Russel (US) Suma
|
|
Hogben (GB) Interglossa
R.J.G.
Dutton Speedwords
|
|
1949 |
|
|
|
G.
Schröder (NL) Kosmo
|
|
1951 |
|
|
|
Zelesny (CZ) Esperantuisho |
I.A.L.A.
(US) Interlingua*
|
1956 |
M.Dewey Translingua |
|
A. Lavagnignini (IT) Mondi Lingua |
Weferling (DE) Intal
|
Z. Magyari (HU) Romanid
|
1957 |
K.J.A. Janson Picto
|
|
|
|
|
1961 |
|
|
|
Alfandari
(BE) Neo* ;
Jorgensen
(DK) Unilo |
|
1963 |
|
|
|
Roussel
(FR) Malfalsito |
|
1965 |
|
Agopoff
(FR) Unilingua |
|
|
|
1968 |
J.
Effel Avant-Projet |
|
|
|
|
AT =
Autriche BE = Belgique CH = Suisse CZ = Tchécoslovaquie DE
= Allemagne
DK
= Danemark ES = Espagne FI = Finlande FR = France GB =
Grande-Bretagne
HU
= Hongrie IT = Italie KR = Croatie NL = Pays-Bas PL = Pologne
RU
= Russie SE = Suède US = États-Unis YU = Yougoslavie ET = Estonie
Pasigraphies :
lettres ; nombres ; notes musicales ; hiéroglyphes ; idéogrammes chinois ;
symboles ; signes
Langues
construites ayant dépassé le stade de projet
Langues
« mères » (ayant donné naissance à des réformes et des dérivés)
Famille slave (projets de langue slave commune)
Famille panaméricaine (fondée sur l’anglais et l’allemand)
Famille scandinave
Famille de l’italien simplifié
Famille de l’espagnol simplifié
Famille de l’allemand simplifié
Famille du français simplifié
Famille de l’anglais simplifié
Famille du latin simplifié
Famille du grec simplifié
Famille du Volapük
Famille de l’Esperanto
Famille du Latino sine flexione
Doc. 3 (d) : Comparatif schématique de quelques langues auxiliaires internationales
· aLes langues internationales, BURNEY Pierre, « Que sais-je » n°968, Paris, P.U.F., 1966
· bL’espéranto, JANTON Pierre, « Que sais-je » n°1511, Paris, P.U.F., 1973
· cEnkonduka lernolibro de Interlingvistiko, BARANDOVSKÁ-FRANK Vĕra, Sibiu-Hermannstadt, Editura Universitatii, 1995
· dDictionnaire des langues imaginaires, ALBANI Paolo & BUONARROTI Berlinghiero, Paris, Les Belles Lettres, 2001
· eLa langue auxiliaire « Ido », DE BEAUFRONT Louis, Paris, Imprimerie Chaix, 1922
· fVocabulaire usuel ido-français et français-ido, Paris, Imprimerie Chaix, 1915
· gKonciza Gramatiko de Volapuko, CHERPILLOD André, autoédité, 1995
· hEspéranto, une langue sans frontière, BECK Isabelle, BT2 n°257, 1993
· iWebEncyclo, Éditions Atlas